Archives de Catégorie: Economie

La république n’est pas compatible avec le capitalisme

Y a-t-il vraiment une « affaire Cahuzac », comme il y a eu une « affaire Woerth » ? Ce simple mot, « affaire », enferme tout ce qu’il y a de moisi dans le fonctionnement de la Vème République. Dans le langage convenu des médias et des professionnels de la politique, on n’entend plus guère l’expression « être au pouvoir », le mot « pouvoir » est sale, connoté, le pouvoir c’est nécessairement le pouvoir sur l’autre, une illégitimité quasi-ontologique. Toujours donner l’illusion de ce qui est lisse, l’égalité proclamée par la novlangue. Non, la pensée dominante préfère l’expression « être aux affaires ».

Les affaires de l’État ? Rien n’est moins sûr. Du temps de Chirac, les « affaires » désignent un ensemble de magouilles dans lesquels tant de personnages publics ont trempé. Rien de grave, on pratique l’amnésie à grande échelle, le public oublie. C’est ainsi qu’on peut être mêlé jusqu’au cou dans une affaire sordide de sang contaminé par le virus du sida au milieu des années 80, il suffit d’être patient, on se relève de tout et on finit ministre des affaires étrangères.

Les affaires, c’est les affaires. Les affaires tout court. En Vème République, tout est dans tout, et réciproquement (sic). On dirige un cabinet ministériel, le temps de faire quelques relations, d’épaissir un carnet d’adresses bien utile une fois de retour dans le privé. C’est le système qui le veut, il s’est construit dans une logique de vases communicantes. On naît du bon côté de la barrière de classe, on fait des études de droit, de sciences politiques, on passe par l’ENA, par HEC, Polytechnique… On finit par proclamer élite ce qui n’est que consanguinité toute capétienne. L’un deviendra une figure importante d’un cartel de patrons, son tout petit frère sera président de la république. Pas de complot, juste des logiques cohérentes de préservation de classe.

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Woerth, Cahuzac, d’accord. Voilà les petits derniers d’une liste déjà longue de ceux qui se servent du système pour camoufler leurs magouilles. Avant eux il y a eu Dumas, Tapie, Tibéri, j’en passe et de bien meilleurs. Ces gens-là ne manipulent pas le système, ils sont le système. La liste est longue et s’allongera encore, car elle exprime l’essence de ce qu’est le capitalisme : la recherche du profit maximal par tous les moyens. On peut décider de « moraliser la vie politique », créer pour cela une commission, mettre à sa tête un ancien premier ministre et sans la moindre once de second degré y inclure une ex-ministre VRP en pharmacie. Cela conduira à un changement des règles du jeu, peut-être, mais le jeu continue.

Après Cahuzac, qui viendra ? Peu importe au fond, qu’il soit issu du PS. UMP et FN ont fait leurs preuves dans l’escroquerie. Soyons honnête jusqu’au bout. Remplacez Cahuzac par mon voisin du dessus ou mon boucher, rien ne changera, personne n’est pur. Il n’est pas tellement question de personnes physiques, le véritable problème est que la corruption, la fraude et autres travers vénaux sont consubstantiels au capitalisme.

Vite, la révolution !

Vite, la révolution !

Depuis que la monarchie a cessé d’être sérieusement envisagée en France comme alternative politique, la République s’est peu à peu éloignée de ses buts premiers. Alors qu’elle devrait être perçue comme le choix d’un système politique, elle est reléguée au rôle de fonctionnement institutionnel du capitalisme. Sous la Vème république, les élus du Front de Gauche ne pourront jamais guère faire mieux que contribuer à limiter la casse sociale, notamment au plan local. Mais même quand nous serons majoritaires au niveau national, cette fausse république au service de l’oligarchie nous enchaînera. On ne pourra pas mener une véritable politique de gauche dans son cadre.

L’appel que nous avions lancé lors de la dernière campagne présidentielle n’était pas un hochet, un produit marketing de campagne. C’est une nécessité, la condition sine qua non de notre réussite. La Vème République, c’est la confiscation de la souveraineté populaire au profit de l’oligarchie, c’est une république en trompe l’œil.

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Cet appel, nous le renouvelons aujourd’hui. Nous voulons la VIème République car nous voulons rendre le pouvoir à son seul propriétaire légitime : le peuple. Nous voulons la VIème République car nous voulons la République.

EDIT : Pour aller plus loin sur le sujet : Pour la VIème République : Et que vive la Sociale

Images : Naz Oke

Bonus musical : Midnight Oil (encore) – Redneck Wonderland

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L’arbre qui cachait une forêt (brune)

Au départ, donc, il y a un scandale politico-financier devenu trop banal. Comme son prédécesseur du précédent quinquennat, Monsieur Éric Woerth, Jérôme Cahuzac est démasqué. Les deux sont réputés pour leur expertise en termes de finances, une expertise telle qu’on finit par les prendre la main dans le sac. Pour le petit prolétaire que je suis, les sommes sont vertigineuses, pas pour nos protagonistes. Eux qui tutoient la bourgeoisie, la vraie, celle qui prend bien soin de ne pas faire parler d’elle, ça devait ressembler à des pourboires. Plus sérieusement, il y a de quoi s’interroger. Il me semble avoir retenu de la théorie monétaire de Marx la notion de « fétichisme de l’argent ». Être ministre « en charge des sous » dans un tel système, n’est-ce pas nécessairement installer un loup dans une bergerie ? Autrement dit, peut-on être un ministre de l’économie compétent sans être vénal, avec les conséquences que l’on voit quand cette logique est éprouvée jusque dans ses derniers retranchements. Je pose des questions, chacun proposera ses réponses.

Au moment de l’affaire Woerth, le président Sarkozy, jamais avare de voler au secours des escrocs et des dictateurs, avait décrit Mediapart en ces termes : « une officine au service de la gauche ». Aujourd’hui, Sarkozy aussi est mis en examen. Dont acte. Mais si Mediapart a ouvert le feu en premier, avec un dossier manifestement solide, n’en déplaise à certains, ce n’est pas une officine au service de la gauche qui sort le dossier explosif du jour. C’est un célèbre quotidien vespéral – dont on sait qu’il ne peut être soupçonné de sympathies pour le Front de Gauche – qui braque les projecteurs sur l’extrême droite.

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Alors que l’instruction du dossier Cahuzac démarre à peine sur le plan judiciaire, la pièce qui se joue sous nos yeux – ébahis, il faut bien le reconnaître – voit naître des personnages ô combien chatoyants. Ainsi, on apprend que le compte UBS de l’ex-ministre a été ouvert par un tiers, le dénommé Philippe Péninque. Dans le langage médiatique policé, l’attribut consacré est « sulfureux ». Dans le mien, on peut choisir entre crapule, ordure, résidu de tourista ou encore le très à la mode salopard. Son CV parle pour lui, voyez plutôt :

« Philippe Péninque, 60 ans, n’est pas un inconnu pour ceux qui suivent les affaires de l’extrême droite. Cet ex-membre du GUD, un syndicat étudiant d’extrême droite radicale, connu pour sa violence, est aussi ancien membre fondateur d’Egalité et réconciliation. Il fait aujourd’hui partie des conseillers officieux de Marine Le Pen. En 2007, il avait réalisé l’audit du Front national. »

Ce bien triste sire est par ailleurs associé à un autre personnage peu ragoutant, Jean-Pierre Eymié, dont on apprend que ses petits camarades gudards l’ont affublé du doux surnom de « Johnny le boxeur ». Tout un programme, d’autant plus alléchant que ces deux là forment avec l’homme qui n’a jamais cru à la lutte des classes une bande suffisamment intime pour pratiquer ensemble le golf et les week-ends à la mer. Je sais bien qu’on n’est pas responsable des méfaits de nos amis, mais tout de même, dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es. Là on est quand même sur de la crevure de première classe. Il y a de quoi s’interroger.

À ce stade, deux points me paraissent importants à prendre en compte. Je veux bien accorder à chacun le bénéfice du doute sur sa connaissance des activités frauduleuses d’un membre du gouvernement, encore que cela soulève bien des interrogations. L’évasion fiscale est un passe-temps qui gagne à être pratiqué avec discrétion. Néanmoins, on ne devient pas ministre du jour au lendemain, Monsieur Cahuzac n’a pas été désigné à un poste aussi important que le sien à l’issue d’un tirage au sort, parmi d’autres inconnus. S’il a été choisi, c’est parce que messieurs Hollande et Ayrault connaissaient sa position idéologique. Ils ont donc sciemment donné leur confiance à un homme qui, bien qu’issu de leurs rangs, n’est manifestement pas un homme de gauche. Pouvaient-ils ignorer que ses sympathies allaient si volontiers à l’extrême-droite française la plus nauséabonde ? Une fois de plus, je pose la question, et je ne la pose pas qu’au gouvernement, mais à l’ensemble du Parti soi-disant socialiste. Il y a quelques semaines, Harlem Désir, qui s’est empressé d’aboyer avec les loups lorsque Jean-Luc Mélenchon a été flétri par des accusations infâmes, condamnait « fortement les attaques et les calomnies sans fondement à l’encontre de Cahuzac. » En voilà encore un qui n’en rate pas une.

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L’autre élément fort intéressant, c’est le glas du positionnement « anti-système » du Front National. Toute la crédibilité du parti qui sent bon l’OAS et les Croix de Feu repose sur l’idée qu’il représenterait une alternative sérieuse aux ploutocrates, au technocrates, etc. La communication du « tous pourris » est une stratégie efficace, tant l’État capitaliste lui donne régulièrement du grain à moudre. Pour paraître honnête, rien de tel que de dénoncer les travers des autres. On paraît toujours moins sale une fois qu’on a couvert de boue ses adversaires. Bien souvent, ceux-ci n’ont même pas besoin qu’on les aide.

Sauf que cette fois-ci, patatras, cette idéologie rance dévoile sa structure de château de cartes. Et la carte de trop, celle qui fait s’effondrer l’édifice, a été posée par Jérôme Cahuzac. Dans cette affaire, l’extrême droite française montre son vrai visage. Ses membres s’accommodent très bien du système capitaliste dont ils sont les bénéficiaires patentés. Ses leaders pourront bien s’offusquer et démentir, leur opposition est bel et bien une posture, un épouvantail idéologique. Parlez leur de leur porte-monnaie, et les barrières de papier qu’ils ont bâties eux-même se déchireront bien vite. Nous en avons désormais une nouvelle preuve, le fascisme est bien une forme aboutie et nauséabonde du capitalisme. Et cette fois, je ne me pose plus la question, j’affirme.

Bonus musical : Midnight Oil – Beds are burning

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Budget : Quand l’Etat se prend pour une ménagère

Lundi, le Parti de Gauche présentait son « contre-budget », en opposition radicale à celui, malheureusement bien réel, proposé par le gouvernement au pouvoir. J’ai longtemps rechigné à l’étude approfondie des questions budgétaires, tout simplement parce que ma formation scientifique m’éloigne de ces problèmes de nombres désignant des grandeurs trop absconses pour que je puisse prétendre démêler clairement les enjeux, les vérités et les erreurs qui s’y cachent. L’ami politeeks pointe ainsi des « erreurs » dans notre contre-budget. Je serais bien incapable de dire s’il a tort ou raison, même si je crois que le travail produit par les économistes du PG est sérieux, et croit tout autant que la critique de notre camarade blogueur est une critique de bonne foi. Pour le reste, le camarade de la gauchosphère s’est déjà chargé de répondre !

Plus généralement, la question du budget d’un État, comme de celui d’un ménage pris au hasard, tourne autour de l’équilibre entre recettes et dépenses. Pour l’État, comme pour la plupart des ménages, le budget est déficitaire. L’État bourgeois raisonne comme la ménagère. Il s’inquiète des méthodes à employer pour rendre ce budget, sinon bénéficiaire, au moins équilibré. Grosso modo, on économise ici, on dépense moins là, on essaye d’obtenir plus d’argent par tel ou tel moyen. C’est notre quotidien à tous : regarder les prix en rayon, frauder le métro, chercher un travail, faire des heures sup. etc. On le fait parce que nous n’avons individuellement pas le choix. On ne peut pas décider unilatéralement du coût de la vie. L’État, par définition, est une construction politique. Cela signifie qu’elle dispose des leviers pour changer la donne. C’est pour cette raison qu’il n’est pas vain de parler de renoncement de la part du gouvernement. Contrairement à ce que l’on essaie de nous vendre, l’austérité est un choix politique, le choix des comptes d’apothicaire !

Auteur génial et inconnu, manifeste-toi !

Ce contre-budget du PG, donc, est très probablement imparfait, et il ne résout pas tous les maux de la société. À titre personnel, je trouve même qu’il ne va pas assez loin, car toute tentative de changement de cap budgétaire devrait commencer par la question de l’abolition du Capital. Cette question là n’est à mes yeux pas une chimère, pas une utopie de doux rêveur, mais bien une possibilité concrète dont les classes laborieuses doivent se saisir. Néanmoins, je soutiens sans réserve cette proposition de contre-budget, ne serait-ce que parce qu’elle envoie un message fort : d’autres choix politiques sont possibles. Une révolution ne se décrète pas, elle se prépare, et elle se prépare d’abord en ouvrant, même timidement, les brèches d’un changement qui se veut autre chose qu’un slogan de campagne.

Bonus : Le contre-budget du Parti de Gauche

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Le rapport Gallois, un projet classé « X »

Je parlais la dernière fois de système éducatif, et je déplorais son assujettissement progressif au MEDEF. Deux événements sont allés hier abonder naturellement dans mon sens. Sans surprise, le rapport Gallois remis au gouvernement prône, pour faire court, un choc de compétitivité. Quand notre politique industrielle se résume à questionner le bien-fondé du port de la marinière, il ne faut pas s’étonner que le gouvernement soit contraint de faire appel à l’homme du plan « Power 8 » pour masquer son inaptitude à produire un projet politique. Plus grave, c’est un nouveau signe de la lâcheté du pouvoir, qui préfère s’en remettre au rapport d’un énarque issu des écoles de commerce pour donner valeur d’expertise à ses choix antisociaux. Je m’arrêterai sur deux points qui ont naturellement attiré mon attention. Le premier, c’est la recommandation de faire une place aux entreprises dans les conseils d’administration des lycées techniques et professionnels. Outre les questions pratiques que cela pose (Que fera-t-on dans les établissements polyvalents, c’est à dire les lycées associant général et professionnel ? Qui siégera dans les faits dans ces conseils d’administration?), cela acte un aspect implicite de la formation professionnelle dans le cadre institutionnel : il s’agit moins de former des citoyens que de fournir une main d’œuvre prête à l’emploi (s’il existe) en se dédouanant du devoir de formation des entreprises à l’égard de leurs salariés.

L’autre point, c’est celui de la présence de représentants des salariés dans les conseils d’administration des entreprises. On a quand même envie de dire que c’est le minimum. En effet, Arnaud Montebourg a beau jeu de rappeler les syndicats de PSA à l’ordre, en intimant à chacun d’être raisonnable. Qui est responsable des difficultés de l’industrie automobile en général, et de celles du groupe Peugeot en particulier ? Le Capital, par le biais des actionnaires et des dirigeants. Qui s’apprête à payer le prix de cette situation ? Les ouvriers. Ceux-là mêmes qui ne sont responsables de rien !

 

C’est dans ce cadre que Monsieur Varin, l’actuel PDG de PSA, se rendait hier à son École Polytechnique, un lieu qui symbolise presque à lui seul le projet éducatif français. Il est ironique de voir quels modèles se choisit cette institution plus ancienne que le baccalauréat. En donnant une tribune au fossoyeur de l’emploi en Seine Saint-Denis, celle que l’on appelle X fait le choix de la consanguinité et des réseaux. En donnant un tribune à cet homme, ceux qui prétendent former une élite choisissent de préférer des administrateurs incompétents et surpayés plutôt que des travailleurs, ouvriers, techniciens et ingénieurs qui sont les véritables détenteurs du savoir-faire industriel. On est loin des aspirations à l’émancipation par le savoir que sont les décrets de la Convention qui donnèrent lieu à la création Polytechnique et l’École Normale Supérieure.

Avec Philippe Juraver, co-secrétaire du comité PG de Palaiseau et animateur du Front des Luttes

Alors hier, de bon matin, nous sommes allés dire bonjour aux polytechniciens, avec quelques camarades du Front de Gauche. Nous n’avons pas eu l’occasion de dire de vive voix à monsieur Varin ce que nous pensions de lui, il n’est pas venu nous dire bonjour, et nous n’avons pas été convié à le faire. Alors nous avons distribué un millier de tracts à ceux qui auraient l’opportunité de s’en charger. C’est, je crois, une question de convergence des luttes contre ce capitalisme qui tue les nôtres. Comment peut-on prétendre mettre en œuvre le « redressement productif » quand les syndicalistes sont vus comme des freins à la « compétitivité » et quand les modèles proposés pour améliorer la situation du pays sont tantôt un énarque issu d’HEC, tantôt un polytechnicien incompétent ?

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Leur règle est d’or, notre mépris est de platine

Ils ont voté contre alors qu’ils étaient pour. Traîtres parmi les traîtres, voici, par ordre alphabétique, la liste des députés de cette aile gauche fictive du Parti soi-disant Socialiste qui ont voté mardi contre le TSCG et jeudi pour la loi instituant la fameuse « règle d’or » :

  • Pouria Amirshahi : neuvième circonscription des Français de l’étranger (Afrique du Nord et de l’Ouest)
  • Jean-Pierre Blazy : neuvième circonscription du Val d’Oise
  • Fanélie Carrey Conte : quinzième circonscription de Paris (en remplacement de Georges Pau-Langevin, ministre de la réussite éducative)
  • Nathalie Chabanne : deuxième circonscription des Pyrénées Atlantiques (les électeurs de Bayrou peuvent se rassurer)
  • Pascal Cherki : onzième circonscription de Paris
  • Henri Emmanuelli : troisième circonscription des Landes
  • Linda Gourjade : troisième circonscription du Tarn
  • Jérôme Guedj : sixième circonscription de l’Essonne (en remplacement de François Lamy, ministre de la Ville, officieusement en charge de la relance de l’économie – secteur de la fabrication de parquets – au conseil général de l’Essonne, cumulard notoire, étonnamment à l’heure pour les deux votes)
  • Razzy Hammadi : septième circonscription de la Seine-Saint-Denis (élu fictif bien connu des lecteurs des chroniques montreuilloises)
  • Mathieu Hanotin : deuxième circonscription de Seine-Saint-Denis (meneur avec le précédent de l’OPA contre le Front de Gauche dans ce département lors des dernières élections)
  • Chaynesse Khirouni : première circonscription de Meurthe-et-Moselle
  • Michel Pouzol : troisième circonscription de l’Essonne
  • Marie-Line Reynaud : deuxième circonscription de la Charente
  • Denys Robiliard : première circonscription du Loir-et-Cher
  • Barbara Romagnan première circonscription du Doubs

La masse des godillots ne mérite même plus qu’on s’intéresse à elle, ils sont les renégats de la démocratie en France, mais la liste ci-dessus donne à réfléchir. Quelle est la démarche de ces parlementaires qui disent non le mardi et oui le mercredi ? Sont-ils stupides de produire deux votes différents sur des éléments qui vont pourtant de pair ? Qui sont-ils, ces nouveaux Dumouriez, ces Lafayette sans gloire ? Ils sont les meilleurs représentants de ce vieux monde appelé à disparaître, et je me ferai une joie d’accélérer la disparition de cette caste d’arrivistes pour qui la lutte des classes n’a jamais été autre chose qu’un « élément de langage » à même de servir leur lutte des places.

Ces cumulards (de fait ou à venir, 2014, c’est déjà demain!) n’ont donc voté contre le TSCG que pour pouvoir prétendre aux électeurs qu’ils tenteront bientôt de séduire qu’ils sont pour une Europe Sociale, plus juste, etc. Mais dans l’immédiat, ils connaissent et reconnaissent la main qui les nourrit (le Medef et autres excités du même genre) et celle qui pourrait leur offrir de quoi s’asseoir : un strapontin ministériel leur suffira.

Bravo à vous, mesdames et messieurs, irresponsables commettants. Nous n’oublierons pas les choix faits au nom d’un peuple qui réclamait un référendum.

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PSA : Pour qui Sonne l’Agonie…

Certains en doutaient encore, mais l’accélération de l’actualité sociale en témoigne, nous sommes toujours sous un gouvernement de droite. La soi-disant aile gauche du parti soi-disant socialiste achève de tomber le masque. Ce 11 septembre, décidément condamné à être de triste mémoire, ce sont les salariés de PSA qui en prennent acte. Le rapport Sartorius conforte la direction de PSA. Tout juste sont soulevées des « erreurs de stratégie ». La famille Peugeot ne sait pas gérer son argent, les ouvriers ne partiront pas en vacances.

La famille Peugeot, voilà qui me rappelle le temps des fameuses « deux cents familles ». Je suis diplomate. En vrai, elle me fait plutôt penser à un autre type de famille, parfois aussi appelée « syndicat ». Vous voyez de quoi je parle ? Non ? Alors je vous recommande vivement « Les incorruptibles » dans la version très soignée de Brian de Palma. En plus, pour les cinéphiles communistes, il y a un clin d’œil appuyé à Eisenstein. Bref, Peugeot, une famille qui s’y connaît en syndicats : les travailleurs du groupe pâtissent quotidiennement de ces résidus de SA connus sous le nom de Syndicat Indépendant de l’Automobile (prononcer « Sia »).

Donc, les actionnaires de PSA se sont gourés. Ils ont mal géré leur outil de production. Du coup, on ferme boutique. Ita missa est et j’espère que vous n’oublierez pas de communier. Quel gouvernement peut se prétendre de gauche et livrer en pâture des travailleurs au Capital ? En dernier recours, « c’est la faute à la crise, on n’y peut rien ! » Comme on dit quand on parle la langue de Margaret Thatcher ( cette vieille copine de Pinochet, je reste dans la thématique 11 septembre) : « There Is No Alternative » (TINA).

Licenciez, actionnaires ! Remerciez les travailleurs, et nous saurons vous remercier ! Soyons concrets. Pendant des dizaines d’années, les actionnaires de PSA ont vécu oisivement de ce que l’on appelle pudiquement « plus-value », autrement dit le profit, et ce profit, c’est le fruit du sur-travail des travailleurs accaparé à leur détriment. Ce profit, il est aussi indirectement le fait des contributions de tous les travailleurs, c’est-à-dire vous et moi, travailleurs extérieurs au groupe, par le biais des aides de l’Etat qui n’ont jamais profité aux camarades d’Aulnay et d’ailleurs. Idéalement, un gouvernement travaillant dans l’intérêt de la classe laborieuse demanderait des comptes à ces parasites, et je suis sûr qu’on ramasserait de quoi sauver les camarades d’Aulnay, mais plus encore de proposer des politiques de services publics remarquables.

Admettons que mon point de vue soit extrémiste, même si j’en doute. Admettons que la fermeture d’Aulnay soit inévitable, même si j’en doute. Soit. Alors organisons l’expropriation des capitalistes de PSA. Privons les de leur propriété des moyens de production à Aulnay, mais aussi sur tous leurs sites en France, et rendons-les à leurs propriétaires légitimes : les salariés de PSA. Par dessus le marché, au lieu d’un plan automobile bancal destiné à transférer de l’argent directement de la poche du contribuable à l’oisif du capital, je suis convaincu qu’avec leur savoir-faire et la responsabilité à laquelle le ministre du renoncement productif les appelle, les travailleurs sauront en faire un outil efficace.

En attendant, si la main est aujourd’hui aux salariés d’Aulnay, il est impératif que ceux-ci puissent compter sur le Front de Gauche au cours des luttes qui s’annoncent.

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Sciences économiques ? Mon cul.

Je n’ai guère dépassé le stade anal depuis la dernière fois, mais les concepts antinomiques ont sur moi l’effet d’une boîte de dragées « Fuca ». Pour les plus feignants, vous pouvez passer directement à la deuxième partie.

Qu’est-ce que la science ?

Il faut d’abord s’entendre sur ce qu’on entend par l’utilisation du mot « science ». La question est vaste, et pour ceux qui l’ignoreraient, elle est encore à débattre. Pour ceux que ça intéresse et en manque de temps, je vous recommande la lecture d’auteurs tels que Wittgenstein, Popper, mais surtout deux ouvrages plus récents et passionnants qui posent à mon sens les bases de l’état de la recherche sur la question : La structure des révolutions scientifiques de Thomas S. Kuhn et La vie de laboratoire de Bruno Latour. Pour les autres, je vais tenter de proposer une définition, incomplète et contestable, qui me permettra de développer plus aisément mon propos ultérieur. Camarade, je t’avertis, quand on me pose la question : « C’est quoi la science ? », j’ai tendance à répondre : « J’en sais foutrement rien ! », alors je fais un effort, mais accroche-toi, ça va saigner.

Les sciences se donnent pour objectif de mettre en place un modèle déterministe d’explication des phénomènes de la nature. Ces modèles, souvent fondés sur les mathématiques (notamment dans les sciences physiques), sont a priori toujours fondés sur la logique, posée comme postulat de base d’une discussion, d’un débat scientifique. Surtout, un modèle scientifique prétend à une universalité, dans la mesure où ses « théorèmes » fondamentaux (par exemple, les trois premières lois de Newton) s’appliquent en toutes circonstances.

On néglige cependant trop souvent un concept essentiel à la caractérisation de ce qui est « science ». Flash-back, début des années 2000, je suis en maths sup’ au Lycée Faidherbe, à Lille, et mon prof annonce : « Pour ce qui suit, je vous demanderai d’oublier tout ce qui vous a toujours paru comme acquis en mathématiques. » Il m’enseignait que les mathématiques elles-mêmes, reposaient sur un paradigme, c’est à dire un ensemble de postulats qui étaient non seulement parfaitement contestables (vous apprendrez par exemple, que dans le domaine de la géométrie projective, deux droites parallèles se coupent à l’infini et que c’est très rigoureux et parfaitement logique), mais qu’en plus ces postulats impliquent un langage bien à eux. Le sens d’un mot commun peut ainsi varier du tout au tout selon le paradigme scientifique dans lequel on se positionne, et c’est pourquoi d’une part, le sens des mots ne se dégage clairement que par sa contextualisation régulière, d’autre part une grande partie du travail du scientifique consiste à lever les ambiguïtés de vocabulaire.

Sur ce dernier point, pourtant, les efforts ne sont pas toujours faits dans le bon sens, et on en comprend aisément les enjeux. Être scientifique, c’est un statut social, plus que respectable. Les scientifiques sont les nouveaux oracles, adorés ou détestés (dans les deux cas à tort), et leur jugement est parfois craint parce que définitif, sans discussion possible. Aussi la communauté scientifique ne fait-elle pas toujours les efforts pour être comprise du plus grand nombre, comme en témoignent les écrits de Newton en latin (pour signifier qu’il ne s’adresse pas aux gueux et manants), où le titre arrogant de Wittgenstein : Tractatus logico-philosophicus.

Économie ou Sciences économiques : quels enjeux ?

Ça a la couleur de la science, ça a un prix Nobel comme les sciences, ça sent mauvais comme un tube à essai rempli d’ammoniac, mais ce n’est pas de la Science. Popper avait démonté le marxisme comme pseudo-science, au même titre que l’astrologie, non sans arrière-pensées, mais avec talent. L’économie, au même titre que le marxisme, est une pseudo-science, dans la mesure où c’est une discipline qui ne peut s’affranchir des influences humaines qu’au prix d’une téléologie toute hégélienne. C’est encore moins une science que le marxisme, parce qu’elle est interdite d’universalité : les soi-disant « sciences » économiques n’ont de sens que dans un cadre précis, le cadre capitaliste. Comme le dit un ami à moi : « Si les sciences économiques étaient de gauche, ça s’appellerait planification. » On ne peut pas théoriser scientifiquement ce qui n’est valable que géographiquement et historiquement.

Mais, me direz-vous, qu’est-ce que ça peut foutre ? Après tout, on parle bien de sciences humaines pour l’Histoire, la Sociologie etc. Sauf qu’ici, le mot « science » ne vient que pour affirmer : « attention, ce qu’on fait est sérieux ! » Et c’est justement ce que cherche l’Économie. Avoir l’air sérieuse.

Se parer des oripeaux de la science a donc pour premier but de légitimer le discours des économistes. Légitimer est un euphémisme, quiconque a subi au moins une fois une chronique de Jean-Marc Sylvestre connaît sa prétention à porter une parole divine, incontestable parce que c’est scientifique. Un discours de Madame Lagarde, directrice du FMI, c’est comme certaines pubs pour les produits de beauté : l’effet est « prouvé scientifiquement ». Prouvé par qui ? Prouvé comment ? On n’en sait rien, mais vu que c’est nous qu’on a raison, ferme ta gueule.

Je disais aussi plus haut qu’un paradigme donné implique une terminologie et un sens pour chaque mot. Le martèlement médiatique de théories économiques capitalistes a pour but implicite de nous forcer à l’appropriation de son propre vocabulaire. Combien de fois ai-je entendu dans tel ou tel bistrot (et des témoins sont là pour confirmer que ma fréquentation en est assidue) que ce qu’il fallait, c’est une reprise de la croissance. De quelle croissance parle-t-on ? La croissance des profits ? De la production ? Du bonheur ? Quand on vous sort la fameuse réplique, posez cette question et voyez combien peuvent vous répondre. Dans 1984, George Orwell décryptait déjà les enjeux de la terminologie : « L’objectif du novlangue est la fin du crime de pensée, en le rendant impossible. » Voilà la finalité du discours, rendre indépassable l’horizon capitaliste et libéral.

Règle d’or et MES, pour quoi faire ?

Ce mois-ci, Le monde diplomatique enquête sur les enjeux politiques de la « règle d’or » et le « mécanisme européen de stabilité ». A-t-on attendu ces deux insultes lancées à la face des peuples d’Europe pour pratiquer les politiques d’austérité dans la zone euro ? Non, la bataille se joue ailleurs.

L’intérêt essentiel de ces deux traités, c’est l’abandon de souveraineté des États membres aux profits d’organismes indépendants tels que la BCE. Les capitalistes n’aiment pas la démocratie, alors pour ne pas priver directement les peuples d’un outil d’émancipation auquel ils sont attachés, ils se content de la vider de sens.

Le jeu démocratique doit, pour le pouvoir capitaliste, se limiter au choix d’imperator godillots élus pour appliquer leurs choix antisociaux. Petit à petit, le jeu continue, mais on en change les règles. Et si les peuples se décidaient à grogner un peu trop forts, on a toujours quelques kapos en réserve pour leur apprendre à se taire à coups de schlague.

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