La goutte d’eau …

Voter François Hollande, c’était pour moi une nouvelle couleuvre difficile à avaler. Hésitant au soir du premier tour, le discours du candidat Sarkozy entre les deux tours était tellement nauséabond que voter Hollande, c’est devenu crucial pour nous débarrasser de ces torrents de haine. Je me souviens néanmoins m’être donné jusqu’au 4 mai, journée du meeting du Front de Gauche place de Stalingrad, pour prendre une décision définitive. Les discours de Jean-Luc Mélenchon et de Pierre Laurent avaient achevé de me convaincre.

Mélenchon à Hénin-Beaumont, je trouvais ça d’autant plus sympathique qu’originaire de Lens, j’associais le politique à l’affectif. Et patatra! Trois jours suffisent à mettre en rogne, à l’heure même où le nabot élyséen plie bagages.

D’abord dimanche, lors de l’émission C Politique, Jean-Luc Mélenchon reprend à son compte la théorie de Robespierre sur la propriété privée. Chez Robespierre, ça donnait : « Le droit de propriété est sacré, il faut le limiter ». Chez le candidat du Front de Gauche, les termes diffèrent légèrement mais le fond reste.

Dimanche, toujours, le PCF participe à une négociation tri-latérale avec les inexistants de l’écologie (EELV) et le PS (droite que je qualifierai de républicaine, par opposition à l’UMP-FN) pour obtenir des circonscriptions « gagnables » aux législatives à venir. Bêtise désormais séculaire du PCF, qui, à la théorie stalinienne déjà douteuse de la « révolution dans un seul pays » (au prix de toutes les trahisons, cf. à ce sujet l’excellent Homage to Catalonia de George Orwell), substitue désormais la protection stalinienne de l’ordre bourgeois. Parfois, je me dis que des mecs de droite ont raison de parler de parti « d’un autre temps ».

Lundi, j’écoute Jean-Luc Mélenchon, encore lui, sur France Inter. Le refinancement de la dette grecque, non, camarade Jean-Luc ! Les banquiers qui vivent sur la souffrance de nos camarades grecs sont des prévaricateurs. J’incite nos camarade grecs à refuser de payer cette note illégitime. Faire les poches des banquiers, ça commence par les empêcher de s’attaquer aux nôtres. Ils suivraient ainsi le modèle des camarades islandais, qui vont bien mieux aujourd’hui qu’il y a trois ans, et celui bien plus célèbre encore des camarades soviétiques de la révolution d’octobre.

Mardi, enfin, cette lettre pathétique adressée à Jean-Marc Ayrault, dont je ne citerai que le début, prière de ne pas rire, c’est sérieux :

« Monsieur le premier ministre cher camarade » (sic) puis :
« L’élection de François Hollande et votre nomination ouvrent une possibilité pour qu’enfin les exigences de notre peuple soient entendues. »

C’était donc ça, Jean-Luc, qui t’a poussé à nous demander de voter pour le mou corrézien ? Moi je croyais qu’on n’attendait rien d’eux. Ne rien attendre, je pensais que c’était plus qu’une posture consistant à refuser tout siège ministériel (encore eût-il fallu qu’on vous en propose), je croyais qu’il s’agissait de continuer le combat contre cet ordre capitaliste que Monsieur Hollande représente aussi bien que ses prédécesseurs.

Camarade Jean-Luc, François Hollande n’est pas un interlocuteur crédible, auprès de qui on pourrait faire avancer nos idées. François Hollande, nouveau président de cette Vème république si hostile à l’émancipation des classes laborieuses, n’est ni plus ni moins qu’un ennemi de classe !

Pour les traîtres et pour les idiots béats, un constat politique qui m’est malheureusement trop familier : « Un autre protestataire a franchi la ligne, pour constater que l’argent est de l’autre côté ». C’est pas de moi, c’est du Green Day.

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Une réflexion sur “La goutte d’eau …

  1. Romain (30septembre) dit :

    Je suis tellement pas d’accord que ça va être difficile pour moi de tout dire.

    D’abord, raisonner en politique en termes de « gentils », de « méchants » et de « traîtres » est stérile et dépassé. C’est cette vision manichéenne (et au final, idéaliste, au sens philosophique du terme) qui a mené ce qu’on appelle un peu pompeusement le ‘mouvement ouvrier’ dans l’impasse où il se trouve aujourd’hui. La pensée politique doit se coupler intiment d’une pensée stratégique, où les alliances objectives, la considération des tactiques et intérêts de chacun, et la vision à long terme doivent prédominer.

    Ainsi, se couper radicalement et violemment des socialistes paraît être une erreur. Si nous devons, pour reprendre une expression restée célèbre « plumer la volaille socialiste », il est impératif de ne pas s’en aliéner la base. Ca passe donc par la politesse et la courtoisie avec les militants PS, et avec une attitude positive vis-à-vis du gouvernement. Si nous démontrons que nos critiques ne sont pas issues d’a priori, mais qu’elles sont justifiées et étayées par les faits, et rien que les faits, nous n’en seront que plus crédibles. La lettre de Jean-Luc Mélenchon à Jean-Marc Ayrault me paraît à se titre très bien jouée: on montre qu’on est gentils, positifs, et qu’on veut aider à aller dans le bon sens (sans pour autant participer à un gouvernement qui ne nous offre aucune garantie sérieuse quant à la pertinence de la politique qu’il entend mener). Ca nous aidera quand il s’agira de les dézinguer parce qu’ils font n’importe quoi.

    Ensuite, cogner sur le PCF parce qu’il mène des négociations avec le PS et EELV est stérile. Le Front de Gauche est une alliance dynamique, mais précaire. Nous ne pouvons pas nous permettre de nous engueuler, et d’entrer ainsi dans le jeu du PS (qui, lui, comprend que la politique est faite de tactiques, et qui a très très bien joué ce coup-là, à sa place j’aurais fait pareil). Seule notre solidarité fera notre force: le PG n’est rien sans l’infrastructure communiste, le PCF n’est rien sans le charisme et la médiatisation de Jean-Luc Mélenchon. Donc, pas de hauts cris, pas d’indignations, uniquement de la réflexion, et de la vision d’avenir.

    Ensuite, les critiques sur le fond idéologique des interventions de Mélenchon dans les médias, je peux les comprendre. Mais (et c’est là le motif thématique lourd de mon intervention, tu l’auras compris), on ne fait pas de la politique uniquement avec des idées. Ce qu’on dit publiquement dépend en grande partie de ce que le public est prêt à entendre. On peut trouver ça cynique, dire que c’est de la comm’ (j’assume pleinement le terme de communication, pour ma part), mais c’est nécessaire: nous voulons le pouvoir, nous devons nous donner les moyens de le prendre. Or, quand on veut gagner, on ne renâcle pas à salir son uniforme si l’on combat sur un champ de boue.

    Voilà. Je ne reviens pas sur la qualification de « droite républicaine » pour le PS, qui m’apparaît comme une caractérisation politique un petit peu hâtive (et émotionnelle), le PS étant fondamentalement de centre-gauche, et je conclus là un commentaire déjà bien trop long.

    A plus tard

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